mercredi 9 novembre 2016

L'HYPNOSE ,UNE PREPARATION MENTAL EFFICACE POUR LES SPORTIFS ?

L'hypnose, une préparation mentale efficace pour les sportifs ?

 Au-delà du coaching mental, il y a l'hypnose. Si cette pratique est encore mal perçue en France, elle est pourtant courante outre-Atlantique où des dizaines d'hypnologues ont intégré les équipes d'entrainement des athlètes de haut niveau. Zoom sur une pratique qui tente de s'immiscer dans le milieu sportif français, avec l'hypnologue Kevin Finel.

En marge des aspects techniques et physiques, il y a le facteur mental qui joue un rôle déterminant face à l'épreuve, l'adversité, la difficulté ou la pression psychologique liée à un événement important. Se définissant comme un outil, une méthode de communication et d'exploration de l'inconscient, l'hypnose moderne permet ainsi d'agir sur les capacités physiques et mentales au-delà des limites de la conscience. Kevin Finel, co-fondateur de l'A.R.C.H.E, l'Académie de Recherche et de Connaissance en Hypnose Ericksonienne, nous explique comment elle fonctionne.
Quelles sont les principales applications de l'hypnose dans le sport ?
C'est assez large, disons que c'est vraiment de la préparation mentale. Il y a toute une partie qui va être du travail émotionnel c'est-à-dire travailler sur la confiance en soi, sur tout ce qui va aider à la performance afin de donner le meilleur de soi-même lors d'une compétition, le jour d'une épreuve ou d'un match. Et puis il y a une partie en amont qui est plus technique. Une personne qui va vouloir progresser techniquement peut savoir exactement ce qu'elle devrait faire mais son corps ne va pas forcément lui répondre exactement comme elle le voudrait. L'hypnose va justement permettre de créer une flexibilité mentale et favoriser l'apprentissage ou la correction d'un geste par exemple.
Quelles différences avec le coaching mental classique ?
L'hypnose est à la racine du coaching. La plupart des méthodes de coaching modernes s'inspirent de Milton Erickson, qui est le père de la communication moderne et psychiatre américain du siècle dernier. Il est reconnu comme l'hypnotiseur le plus talentueux de son époque, et tous les préparateurs mentaux étaient ses élèves. Sauf que l'hypnose était très connotée et le coaching s'est peu à peu dissossié de l'hypnose. Aujourd'hui, l'hypnose regagne ses lettres de noblesse aux États-Unis, notamment dans les écoles et est tout simplement la racine du coaching mental. Je pense que le coaching “classique” est très efficace en lui-même mais ce n'est que lorsqu'on lui ajoute l'hypnose qu'il prend une dimension plus précise et plus profonde.
Concrètement, comment opère l'hypnose dans le coaching des athlètes ?
Déjà, on va essayer de comprendre où se situe le blocage chez le sportif. Est-ce qu'il est comportementale ou émotionnel. Pour vous donner un cas de figure, j'ai des patients qui courent après la réussite mais qui, en même temps, ont peur d'elle. Il y en d'autres qui vont avoir une pression particulière dès lors qu'il y aura un enjeu. L'idée va donc être de travailler sur les fonctionnements du cerveau, en expliquant à la personne en quoi consiste les neurosciences, ses réactions émotionnelles, ses apprentissages. Et en le faisant passer par cet état d'hyperconscience  -car l'hypnose n'endort pas mais au contraire permet au patient d'être en hyper vigilance -
on va emmener les gens à comprendre ce qui se passe à l'intérieur d'eux et à modifier des éléments. Imaginons quelqu'un qui manque de confiance en lui, par exemple. Notre action va être d'essayer de déterminer exactement où ce manque de confiance joue et quel ancrage peut-il avoir pour générer la confiance. Si ce travail-là est fait, au cours d'une compétition, son niveau de confiance augmentera au lieu de diminuer.
L'hypnose n'endort pas mais au contraire permet au patient d'être en hyper vigilance.



Combien de temps dure une séance avec le sportif ? À partir de quand peut-on voir des résultats ?
On a des gens que l'on va suivre sur toute une saison et d'autres qui vont venir nous voir plus ponctuellement. Concrètement, on rencontre directement la personne et les séances d'hypnose se passent généralement sur le terrain, après un entraînement par exemple ou juste avant ou après une compétition. Notre but est d'accompagner le sportif dans son travail quotidien. Certaines problématiques se règlent en deux ou trois séances comme avec les personnes qui reviennent de blessure. Il y a des cas qui nécessitent davantage de travail de fond, ce qui peut durer sur une saison entière. Très souvent on travaille aussi avec les coaches techniques avec lesquels on s'allie. (Lire la suite page 2)
Qui peut pratiquer l'hypnose en France ? Quels diplômes sont requis ?
Aujourd'hui, l'hypnose n'est pas un domaine reconnu en France. Je dirige l'Académie d'Hypnose qui est l'institut de formation, on a des partenariat avec différentes écoles mais il n'existe, à ce jour, aucun diplôme d'état. On pourrait dire, au même titre que le coaching mental aujourd'hui, que ce sont des organismes qui se sont fédérés. Il n'y a pas de diplôme sur le coaching non plus. Maintenant les personnes qui suivent des formations en hypnose sont des personnes qui sont dans le métier de l'accompagnement. Et celles qui sont spécialisées dans les métiers de la préparation mentale.
Comment l'hypnose se développe-t-elle en France ?
Les hypnologues pour les sportifs sont très rares en France. L'hypnose dans le sport s'est beaucoup développé aux États-Unis, puisqu'aujourd'hui une majorité des professionnels de haut niveau sont suivis par un praticien en hypnose. En France, ça reste très rare, sauf au golf ou au tennis où c'est un peu plus pratiqué. C'est quelque chose qui n'est donc pas très connu. C'est d'ailleurs pour ça que l'on a créé le site “Mental Sport” et qui a pour but de faire connaître et de fédérer les personnes qui pratiquent l'hypnose pour l'accompagnement des sportifs de haut niveau. Même lorsque l'on regarde sur internet on se rend compte que ça reste quelque chose de très émergent.


Comment êtes-vous perçu dans le milieu sportif ?
On a un blog sur lequel on communique beaucoup, du coup on est souvent contacté par des sportifs. Parce que je pense que beaucoup d'entre eux, à un moment donné, se questionnent sur la gestion de leur mental, et n'ont pas toujours les outils. Ils sont entourés par des coaches techniques qui vont vraiment les aider à de nombreux niveaux. Mais le jour où il connaisse une intrusion dans leur vie personnelle, ils n'ont pas vraiment de solution. Beaucoup de sportifs se rendent compte qu'ils sont performants à l'entraînement mais le jour où il y a un facteur extérieur, une pression nouvelle, ils perdent leur moyen. Donc là, on va les rediriger et leur faire prendre conscience qu'il s'agit d'un problème psychologique. Généralement, ceux qui connaissent ce genre de problème n'ont pas envie de faire une psychanalyse donc ils vont aller chercher dans d'autres domaines comme l'hypnose, qui est une solution très comportementale car elle n'agit pas directement sur la vie de la personne mais seulement sur sa manière de penser. On s'appuie sur les neurosciences donc on a une vision assez pragmatique et rationnelle et c'est ce qui séduit les sportifs qui se disent : “ Okay ! Là j'ai un outil qui va être à court terme et qui va me permettre de travailler exactement là où je veux et avoir un résultat mesurable”.
L'hypnose est une solution très comportementale car elle n'agit pas directement sur la vie de la personne mais seulement sur sa manière de penser
Pensez-vous que les sportifs français ont plus besoin de l'hypnose que d'autres sportifs internationaux ?
C'est une question complexe. Les sportifs français ne sont pas réputés pour leur mental, on dit d'ailleurs souvent qu'ils attendent d'être dos au mur pour se révolter. Et c'est vrai que l'on a un peu cette mentalité en France. On a une génération de tennisman très doué mais qui n'arrive pas à avoir le niveau qu'ils devraient avoir. Alors c'est peut être la partie visible parce que je pense que ça existe aussi dans les autres sports mais le tennis est précisément un sport très mental. La mentalité française pourrait devenir une force mais elle a besoin d'être canalisée. »

Propos recueillis par Yaël Selbonne Sfez


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